Mon côté primate

Toute petite déjà – non, ne zappez pas, je vous promets que je ne m’attarderai pas sur le passé, et que l’anecdote est intéressante – je savais compter sur mes vingt doigts. J’ai bien dit 20 (et on prononce le /t/ final, sacrebleu : on est dans le Nord, ici !) : comme tout primate qui se respecte, je possède quatre extrémités, chacune pourvue de 5 appendices. Le calcul est vite fait.

Les pieds, ces mains d’en bas, je les ai toujours voulus libres. À défaut, je les ai eu plats, et pas bien grands, et plutôt larges, ce qui leur a valu de se faire rebaptiser « pieds de hobbit » par ma soul sister. Les poils en moins, je précise tout de même.

Ces petons – ils ont officiellement gagné le droit à cette appellation, je ne chausse qu’un risible 36 – ont souffert aux mains d’un podologue au nom romantique (monsieur de Beauregard, si vous me lisez, ne le prenez pas mal) mais aux semelles de cuir et de liège beaucoup moins charmantes pendant toute une décennie. Rentrée de classe, les bottes orthopédiques étaient vite oubliées, et mes petites dôyes – je suis née dans les Ardennes, pour ceux qui n’ont pas encore décroché… – profitaient de leur liberté pour jouer et saisir, tout comme leurs homologues d’en haut, tout ce qui leur tombait sous la main – haha. Petites, mais préhensiles, et plutôt douées en écriture !

Aujourd’hui encore, il me reste de cette époque d’incarcération des panards l’amour des chaussures souples et respectueuses de la morphologie du pied. Exit les talons hauts et les chaussants de fer : vive les zori et les baskets souples. Et les pieds nus, aussi souvent que faire se peut.

Ça faisait un moment que je lorgnais de leur côté, mais leur prix plutôt élevé m’avait dissuadée. Finalement, je me suis laissée tentée par des gants de pied, les fivefingers. Attention, les photos qui suivent vous feront sourire, voir carrément rire :

Entre la couleur et les didis bien séparés, j’imagine facilement votre mine rigolarde. À moi, elles paraissent moins étranges, puisque j’ai porté des choses comme ça pendant assez longtemps : le pouce y est indépendant, et la découpe de la semelle offre une grande liberté au pied, qui peut se fléchir comme bon lui semble.

Ici, on va un cran plus loin dans le look extra-terrestre – quel paradoxe ! – mais aussi dans le confort : une fois les bestioles enfilées (un jeu d’enfant pour moi, mais les possesseurs d’orteils rétifs peineront sans doute un peu au départ à les glisser chacun dans leur petit abri), on conserve toute latitude dans ses mouvements, sauf que, grosse cerise sur le gâteau, on est protégé. Les ongles, la voute plantaire, ces endroits si sensibles, sont couverts par la semelle souple mais très rassurante. Même pour mes papattes de canard, le chaussant est accueillant (j’ai pris une pointure en plus, et j’ai bien fait !).

À l’origine, ces gants de pied sont destinés à la course, mais ils me serviront pour le yoga (plus de glissades sur le parquet : la semelle, douce et à la découpe irréprochable (regardez, la ressemblance avec le dessous d’un vrai pied est frappante !) est parfaitement anti-dérapante, même en cas de sol humide), et plus généralement à la belle saison.

Petits plus non négligeables : les orteils, surtout le quartus et le quintus, peuvent enfin se dérouler complètement et occuper l’espace qui leur convient. Je peux vous dire qu’ils apprécient ! Le pied peut s’écraser sans se trouver congestionné dans une ganse de tissu ou de cuir souvent très étroite et assez rigide, et les frottements sont inexistants, car les fivefingers épousent parfaitement tous les contours : puisqu’on vous dit que ce sont des gants !

Je ne sais pas encore si je les porterai en extérieur. Même si je suis assez détachée du regard des autres, je n’ai pas particulièrement envie de me lancer dans de longues discussions avec des inconnus pour argumenter de l’intérêt de ce genre de « chaussures ». Oh, wait…
Après tout, si ça vous dit d’en causer, y’a de la place là, juste en dessous… Si vous êtes là, c’est que vous n’êtes déjà plus vraiment des inconnus ! Et puis je serais vraiment curieuse de savoir ce que vous en pensez, et si vous en en porteriez / portez !